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14 août 2023

Peut-on encore se payer des piscines municipales ?

Coûteuses, énergivores et obsolètes… les piscines municipales sont durement mises à l’épreuve de la sobriété énergétique et les collectivités locales manquent de moyens pour leur faire sortir la tête de l’eau.

 

 

Une trentaine de piscines fermées à Limoges, Granville, Nîmes ou Versailles, leurs personnels en chômage partiel : en septembre dernier, la société Vert Marine faisait grand bruit en baissant le rideau sur un tiers des équipements qu’elle gère en délégation de service public (DSP), invoquant l’explosion de sa facture énergétique, passée de 15 à 100 millions d’euros annuels.

Certes, ce délégataire privé cherchait à faire pression sur les communes pour obtenir des avenants aux contrats. Mais, cet hiver, une centaine de piscines (sur près de 4 000 en France) ont été totalement fermées, et nombre d’entre elles ont adopté des restrictions d’horaires et des fermetures temporaires, leurs charges étant devenues insupportables pour les collectivités qui en sont gestionnaires dans 90 % des cas1.

Les piscines et centres aquatiques « font partie des équipements tertiaires les plus énergivores, sortant à tel point des standards qu’ils sont exclus de la réglementation thermique 2012 », expose Olivier Convert, directeur du centre aquatique et de la politique sportive de la communauté de communes du Pays Mornantais (Rhône), auteur d’une enquête sur le sujet.

« Ils se caractérisent par de très grands volumes d’eau et d’air à traiter, chauffer et renouveler en quasi-permanence compte tenu des contraintes réglementaires. »

Le problème est d’autant plus criant que près des deux tiers ont plus de 30 ans. En partie issu du « plan 1 000 piscines », lancé en 1969, le parc français comporte beaucoup de passoires thermiques.

Dans le détail, l’énergie, le chauffage, l’eau et l’assainissement représentent ensemble, en moyenne, un quart des dépenses de fonctionnement, selon une étude de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL) publiée en 2019.

En face, côté recettes, les billets et abonnements des usagers couvrent environ la même part des dépenses de fonctionnement. Pour les trois quarts restants, essentiellement liés au paiement des salaires du personnel, les collectivités piochent dans leurs fonds propres.

Peuvent-elles donc encore s’offrir ces piscines, et avec elles leurs missions de service public (apprentissage de la natation, accueil des scolaires, des associations et des clubs sportifs, offre de sport-santé et de sport-loisir2) ?

L’équation est complexe, mais des solutions existent ou émergent pour la résoudre.

Des gisements d’économies à court terme

Premier motif d’espoir : les gisements d’économies sont considérables, y compris à court terme. Le plan de sobriété énergétique, lancé en octobre dernier par le gouvernement, incitait ainsi à baisser d’au moins un degré la température de l’eau, pour un gain énergétique attendu de 15 %.

L’Association nationale des élus en charge du sport (Andes) a produit plusieurs « propositions conjoncturelles » pour ce plan : supprimer l’obligation de vidange annuelle, imposée pour des raisons d’hygiène alors que les contrôles de sécurité sanitaire sont quotidiens ; opter pour une obligation de résultat plutôt que de moyens pour la qualité de l’eau ; créer un fonds d’urgence d’isolation des tuyaux hydrauliques (5 à 7 % d’économies d’énergie attendues) ; autoriser la réduction des régimes moteurs électriques (une baisse de 20 % entraîne des économies de 50 %).

Autres mesures à effet immédiat : bâcher les bassins extérieurs pour limiter l’évaporation, suivre strictement les normes sanitaires afin d’éviter de trop consommer d’eau pour les respecter. Olivier Convert recommande aussi de définir une stratégie d’occupation des créneaux, d’interroger la grille d’activités et d’arbitrer entre elles, d’aménager les horaires et les amplitudes.

« Notre plan de sobriété nous a permis à lui seul d’approcher 20 % d’économies d’énergie cet hiver », explique ainsi Guilhem Massip, directeur de mission performance énergétique à la communauté d’agglomération Pau Béarn Pyrénées.

En amont, « pour ne plus dépendre des fluctuations du marché, il faudra se porter vers des mix incluant plus d’énergies renouvelables, et décarboner l’approvisionnement autant que les usages », affirme-t-il. Les recours à la géothermie, au photovoltaïque, à la récupération des calories de l’eau et de l’air chaud ou encore le branchement avec les réseaux de chauffage urbain sont de plus en plus fréquents.

L’importance du diagnostic

Mais le nerf de la guerre, c’est le diagnostic initial. « Rien n’est possible sans outils pour collecter la data et sans assurer les échanges entre les services avant de mettre en œuvre une méthodologie », soutient Olivier Convert. « Il faut d’abord maîtriser sa donnée énergétique, donc disposer d’équipements permettant d’analyser sa consommation », renchérit Guilhem Massip.

Or, la Cour des comptes déplorait en 2018 que la connaissance des coûts d’exploitation était « très fréquemment insuffisante ». Selon Julien Loy, responsable du service des sports et des équipements sportifs de Grenoble Alpes Métropole, « les communes craignent que l’expertise recommande des solutions impossibles à budgéter pour elles… » La Métropole s’est donc engagée à financer 25 % de l’audit afin de les inciter à se lancer.

Elle a aussi constitué un pôle énergie en interne composé de quatre experts, contre un seul il y a quelques années. Elle a enfin lancé un schéma directeur immobilier-énergie qui va analyser les principaux sites de l’agglomération, dont les piscines et les patinoires. « L’objectif est de croiser les expertises acquises en interne, les données de terrain et les données scientifiques disponibles, notamment avec de l’assistance à maîtrise d’ouvrage. »

L’agglo de Pau a fait le choix analogue de recruter une douzaine de spécialistes pour l’ensemble de ses services, et Guilhem Massip insiste sur l’importance des compétences :

« Les emplois liés à l’analyse énergétique ne sont pas délocalisables, ils vont nécessairement être occupés par des personnes du territoire, idéalement en interne. L’économe de flux est un des métiers les plus recherchés en France, dans le public comme dans le privé. Il va déduire de l’analyse des données des actions de performance énergétique. »

Rénover ou reconstruire ?

Une fois le diagnostic réalisé, les opérations de rénovation interviennent prioritairement sur les équipements techniques, en remplaçant une chaudière vieillissante, en améliorant le triptyque CVC (chauffage ventilation climatisation) ou en recourant aux LED pour l’éclairage. Mais pour aller plus loin, « avec des temps de retour sur investissements plus longs mais plus durables, il faut faire en sorte que le bâtiment soit le plus passif, le plus sobre possible en agissant sur le bâti : renouvellement des menuiseries, isolation, protections contre le soleil, énergies renouvelables pour favoriser l’autoconsommation, etc. », énumère Guilhem Massip.

Tout cela vaut-il le coût pour les équipements les plus obsolètes ?

« Les investissements sobres sont des investissements lourds, mais les volumes étant énormes, les coûts de fonctionnement peuvent baisser très significativement. Les 600 000 euros de travaux dans deux de nos piscines ont été remboursés en moins d’un an par les économies d’énergie », assure le Palois.

Dans le petit monde des infrastructures locales, le sujet fait cependant débat. « En raisonnant en coût global, et en tenant compte des objectifs de sobriété foncière de la France, déconstruire et reconstruire un équipement peut s’avérer plus pertinent », pondère ainsi Vincent Saulnier, maire délégué de Château-Gontier (Mayenne) et secrétaire général de l’Andes. Olivier Convert confirme : « Si l’infrastructure n’est pas « rattrapable », les gains ne seront pas durables. » Il alerte toutefois : les installations neuves, éco-conçues, sont très complexes. « Il ne faut pas que la collectivité se retrouve avec un Airbus qu’elle ne saura pas piloter. »

« Les services techniques comportent d’excellents « bricoleurs », mais on a désormais besoin d’ingénieurs capables de gérer la complexité des process, d’assurer l’interopérabilité des solutions techniques. » Or les compétences sont coûteuses ou difficiles à recruter sur des profils en pénurie, comme celui de technicien metteur au point de piscines.

Un financement insuffisant

Un dernier débat concerne la nature des équipements à construire et rénover. Les équipements récents ont eu tendance à multiplier les services complémentaires (aquagym, fitness, musculation) et les aménagements de confort (sauna, bains bouillonnants, hammam, solarium) qui impliquent un surcoût moyen de 30 %. Faut-il revenir à des infrastructures plus austères, et à une offre de base ?

« Les élus tombent parfois dans le piège de croire que des services supplémentaires vont forcément amener des recettes. Il nous revient de leur dire de ne pas rêver trop grand », argue Olivier Convert. Surtout face à un secteur privé très agressif. « Si les collectivités doivent faire du fitness, c’est plutôt pour les personnes âgées, les malades, les personnes en handicap, etc. »

Guilhem Massip est plus circonspect : « Il faut que les équipements intéressent tous les publics et apportent une offre de loisir notamment à ceux qui ne partent pas en vacances. » Afin de couvrir à moindres frais la diversité des demandes sur un même territoire, Julien Loy imagine une « thématisation » des équipements, Vincent Saulnier préconise leur « mutualisation ».

Malgré les volets sport du Plan de sobriété énergétique et du (futur) troisième Plan national d’adaptation au changement climatique, l’effort de l’État est jugé insuffisant. « L’enveloppe du « Fonds vert »3 ne laisse que 20 millions d’euros à partager entre les collectivités des Pyrénées-Atlantiques. Cela reste du saupoudrage », regrette Guilhem Massip.

L’Andes revendique une consolidation des crédits affectés au sport de proximité et au patrimoine sportif. « Le sport peut financer le sport. A ce titre, il est prioritaire de déplafonner les taxes sur les paris sportifs affectées au financement de l’Agence nationale du sport (ANS) », martèle Vincent Saulnier4.

« Les moyens existent, il faut qu’ils soient fléchés par l’ANS, en coordination avec les régions. Nous attendons des actes à partir de la loi de finances 2024, qui posera le sport comme grande cause nationale, et sommes favorables à une loi de programmation du sport. »

La difficile équation de la conversion à la sobriété des piscines et des autres équipements sportifs n’est donc pas encore résolue, mais au moins les inconnues sont-elles de moins en moins nombreuses.


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