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16 septembre 2025

Dans les centres de formation des clubs de football professionnel, la scolarité devient « un argument fort » pour séduire et rassurer les familles

Avec seulement 18% des jeunes footballeurs en centre de formation qui signent un contrat professionnel, la scolarité est prise au sérieux par les clubs.

 

Drrrrriiiiing ! La sonnerie de la rentrée a retenti dans tous les établissements scolaires. Mais dans les centres de formation de football, la reprise avait eu lieu dès la mi-août, pour les entraînements sportifs et la partie scolarité. Fier de son taux de réussite record au baccalauréat l’année dernière (95%), le Paris Saint-Germain a ouvert les portes de sa Cité éducative aux médias, au Campus, à Poissy (Yvelines), à quelques mètres des terrains d’entraînement de l’équipe de Luis Enrique. Un bâtiment flambant neuf et moderne qui montre l’importance accordée à la scolarité dans les centres de formation, aussi bien dans l’intérêt des jeunes joueurs, que dans l’optique de séduire les meilleurs footballeurs et leurs parents.

Des salles équipées de tableaux numériques, des laboratoires de sciences modernes, une fausse boutique du PSG recréée dans une classe pour former les élèves en bac pro commerce… Le club parisien n’a pas lésiné sur les moyens pour équiper son école intégrée, où étudient les jeunes joueurs et joueuses avec des classes de la 5e à terminale. « C’est vrai qu’à un moment donné, dans les discussions avec les familles, on prévoit une belle plage de visite de la Cité éducative avec les parents, on leur présente le projet scolaire, et on est assez confiants [pour les convaincre] quand on les amène ici », souligne Yohan Cabaye, ancien international français et désormais directeur du centre de formation du PSG.

Un taux de réussite au bac qui détermine le classement des centres de formation

Le club de la capitale martèle son envie de devenir le meilleur centre de formation français, alors qu’il figure à la deuxième place du classement édité par la FFF, derrière le Stade rennais, notamment parce que le club breton a obtenu les cinq étoiles (sur cinq) sur le critère de la scolarité, au contraire du PSG (4,5). La note de ce dernier critère est attribuée en fonction du taux de réussite au bac, qu’il soit général, technologique (STMG) ou pro (commerce), comme proposé dans la plupart des centres de formations. « Ces dernières années, on était un peu en retrait au classement à cause de la scolarité, donc on fait les efforts pour améliorer cela », assure Yohan Cabaye.

Le classement des centres de formation de football établi par la FFF lors de la saison 2024-2025. (Fédération Française de Football)

 

Outre le Stade rennais, Lille, Nice, Strasbourg et Metz sont les quatre autres clubs de Ligue 1 à avoir décroché la note parfaite pour la partie scolaire. « Si un jeune est convoité par plusieurs clubs ? Bien évidemment que ça compte, affirme Sofiane Talbi, responsable pédagogique au Losc, qui a atteint les 100% de bacheliers la saison dernière, avec des succès également sur des projets éducatifs comme le concours d’éloquence entre les centres de formations. Quand on a des visites avec des jeunes joueurs et leurs parents, on passe du temps pour expliquer le fonctionnement de la scolarité et c’est un argument qui a du poids pour certaines familles, de savoir qu’on a une qualité d’accompagnement au niveau scolaire. Ils nous demandent le taux de réussite au bac, les filières… Ça sécurise les parents et c’est un argument fort pour eux de savoir que tout ne va pas être focus sur le sportif uniquement ».

 

« Il y a des familles qui nous disent, a posteriori, que si leur décision a penché envers notre club, c’est pour le projet présenté sur la partie scolaire. »

Sofiane Talbi, responsable pédagogique au Losc

Je pense que c’est le projet global qui intéresse les parents. S’il n’y a que le foot ou que la scolarité, je ne suis pas certain que les familles choisissent le Stade rennais, tempère Denis Arnaud, directeur du centre de formation du club breton, qui met en avant un savoir-faire et une expérience depuis l’ouverture de son établissement interne ouvert en 1987. C’est un projet global de formation. Le fait que des garçons soient en équipe première ou en équipe de France, aussi bien le fait que les garçons aient leur bac, ça donne envie aux familles. Au Stade rennais, l’école n’est pas séparée du foot, il n’y a qu’un seul projet parce qu’on construit une personne dans son entièreté. »

D’autres parents préfèrent une scolarité dans la « vie réelle »

Mais si la plupart des clubs les mieux notés mettent en avant une scolarité intégrée, dans les locaux mêmes du centre de formation, certains parents préfèrent parfois que leurs enfants suivent une scolarité plus normale. « Dans ces centres, les joueurs vivent quasiment en autarcie. C’est top en termes de récupération, mais beaucoup moins pour la sociabilisation, explique Thomas Buanec, agent de joueurs au contact avec leurs familles. Dans d’autres cas, les joueurs vont dans un lycée classique, mais avec des horaires adaptés, ils voient autre chose que le foot, et il y a des parents pour qui ce critère est très important, pour que leur fils reste au contact du vrai monde. Ce sont deux visions différentes. »

C’est par exemple le cas à Strasbourg, qui obtient régulièrement un taux de réussite de 100% au bac. « Les nouveaux propriétaires, BlueCo, insistent pour qu’on multiplie les séances d’entraînement, donc avec le rectorat, on a trouvé un système hybride, explique Thierry Brand, responsable pédagogique du centre de formation et professeur d’EPS dans l’Education nationale. Les joueurs suivent au lycée public le français, la philo et les spécialités, souvent le matin de 8 heures à 10 heures, mais on offre aussi la possibilité que ces matières soient suivies dans un lycée privé si les parents le demandent parce qu’ils estiment que l’exigence y est plus élevée. Et toutes les matières du tronc commun, à savoir les langues, l’histoire-géo, et les maths, sont assurées au centre par des professeurs qui se déplacent, le lundi et le vendredi après-midi ».

Ce système hybride a séduit les parents de Sacha Lung, défenseur âgé de 17 ans et sélectionné en équipe de France U18. « On a toujours mis un point d’honneur à ce qu’il ait une bonne scolarité, et à Strasbourg, on est rassurés parce que le club met l’accent là-dessus, se réjouit son père, Florian. Et puis comme on vit à Strasbourg, il peut rentrer à la maison le soir. Ça nous permet de le suivre, de l’aider dans ses devoirs, et de garder un équilibre pour lui. »

 

« C’est important qu’il voit autre chose que le foot, ça permet d’avoir une ouverture d’esprit, avec des non-sportifs, des filles. »

Florian Lung, père de Sacha en centre de formation à Strasbourg
Et à Strasbourg pour Sacha Lung, comme dans les autres centres de formation mentionnés, le suivi scolaire ne s’arrête pas quand les joueurs partent une semaine ou plus en sélection. Leurs responsables pédagogiques, ou leurs professeurs, sont en contact avec un responsable pédagogique au sein de l’équipe de France, pour leur transmettre les cours à suivre à distance. Ils peuvent aussi profiter de sessions individualisées à leur retour pour du rattrapage.

De manière générale, le suivi est plus individualisé dans ces centres de formations, avec des classes en effectifs réduits. Ils ne sont, par exemple, pas plus de 15 par classe au PSG, ce qui permet d’avancer sur le programme scolaire de manière efficace, même si les lycéens footballeurs n’ont que dix-huit heures de cours par semaine, contre vingt-huit dans un lycée classique. « Je sais que je suis devenu un meilleur élève, parce qu’au collège on était nombreux dans les classes, tu ne pouvais pas poser toutes tes questions. Là, au moins, c’est plus facile pour le prof de venir nous voir si on a des difficultés. Je suis mieux les cours, et si je ne comprends pas, je ne vais pas juste regarder ma feuille sans rien faire, je fais appel à la prof », assure Emmanuel Mbemba, défenseur U19 du PSG.

Les formations post-bac se développent

« On veut que l’élève n’ait rien loupé comme cours s’il doit être amené à se réinsérer dans une scolarité classique », explique Mehdi Rahoui, directeur de l’éducation au PSG. Et pour cause, selon la FFF, seulement 18% des joueurs formés par génération deviennent professionnels. « Moi, je bosse surtout pour les 18 sur 20 qui ne vivront pas du foot », souligne Thierry Brand, du RC Strasbourg. Se pose alors la question des formations post-bac, dans une époque où le baccalauréat ne suffit plus pour trouver un emploi.

« Nous, on a en tête que Sacha passe le bac et qu’ensuite il prépare un BTS ou autre chose en candidat libre, parce qu’on ne sait jamais, une carrière peut s’arrêter très vite », insiste son père Florian Lung. À Strasbourg, Thierry Brand cherche encore la bonne formule : « Ils ont tendance à tous aller dans le DU (diplôme d’université) en business et marketing du sport, alors qu’ils ne sont pas tous passionnés par cela. Mais ça représente moins d’heures de cours qu’en Staps à la fac, donc ça ne me convient pas et je me creuse la tête pour changer ça », explique-t-il.

Au PSG, le club oblige ses élèves bacheliers de l’équipe espoir à poursuivre les études supérieures de leur choix, en grande majorité à distance. Pas d’obligation à Lille, mais des encouragements. « Jusqu’à présent, on avait beaucoup de joueurs ou de joueuses qui s’arrêtaient au bac, parce qu’il n’y avait pas vraiment de formations compatibles avec le foot. Mais on travaille maintenant avec les universités de Valenciennes et Lille sur des conventions pour suivre des formations post-bac, beaucoup en distanciel, mais aussi avec un système de tutorat pour ne pas les laisser livrés à eux-mêmes. Et désormais ils sont une vingtaine à suivre des études », se satisfait Sofiane Talbi.

Parmi eux, Ayyoub Bouaddi, 17 ans, joueur désormais confirmé en équipe première, appelé en équipe de France espoirs, titulaire d’un baccalauréat scientifique mention très bien et étudiant en licence de mathématiques. Un parcours qui pourrait à l’avenir ne plus être une exception ?

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