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Étude / Point économie, écologie, technique

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15 octobre 2024

Bali, Biarritz… : saturation des spots de surf ou comment préserver l’essence de ce sport si connecté à la nature

Inventé à Hawaii, le surf gagne en popularité depuis les États-Unis et l’Australie à partir des années 1950 pour devenir un phénomène global. Pratiqué dans plus de 150 pays, il se diffuse à travers le monde par l’intermédiaire des médias et du tourisme. Le tourisme de surf implique de voyager depuis sa résidence principale vers une destination où le touriste s’attend à attraper des vagues, avec ou sans planche (on parle alors de body surf ou de body board notamment). Les personnes qui s’adonnent à cette forme de tourisme d’aventure peuvent être des surfeurs assidus, pratiquants plus ponctuels ou des débutants qui entendent apprendre à surfer durant leur séjour.

Un imaginaire californien

Pour le grand public, le tourisme de surf est associé à des symboles et des images exotiques qui ont été fabriquées par des maisons de productions californiennes. Columbia Pictures en 1959 ou encore Paramount Pictures en 1961 popularisent le surf auprès de la classe moyenne à travers des films faisant l’apologie du voyage et l’évasion, le temps d’un été. Toutefois, le film « The Endless Summer » réalisé et produit par Bruce Brown en 1966 remporte le plus grand succès dans les salles de cinéma. Les spectateurs y découvrent deux Californiens qui parcourent le monde à la recherche de la vague parfaite : vague qu’ils trouvent en Afrique du Sud. Par-delà la nature apparemment innocente de ce « safari surf » ou « surfari », le film est imbu d’anciennes ambitions coloniales.

Les Californiens expliquent aux habitants du continent africain que les vagues sont des ressources inexploitées qui peuvent être nommées et domptées. Cette domination culturelle de l’occident sur des populations de pays économiquement moins riches imprègne le tourisme de surf, tout au long des décennies à venir. Par exemple, depuis les années 1970 et 1980, les Français se rendent au Maroc pour glisser sur des vagues qui déferlent sur de longues distances, tandis que les Australiens se rendent en Indonésie, et les Californiens visitent les côtes mexicaines. Cette prolifération d’un surf occidental vers l’Afrique, l’Asie et l’Amérique latine a notamment été rendue possible par un accès plus facile aux voyages internationaux et par les écarts de richesses entre les visiteurs et les hôtes.

Une forte pression locale

L’Indonésie, par exemple, devient un haut lieu du surf après que des Australiens commencent à explorer les vagues de Bali et des îles Mentawai, deux territoires au niveau de vie très modeste dans les années 1970 et 1980. Les infrastructures touristiques locales s’y développent pour répondre à cette demande, transformant des régions auparavant isolées en pôles touristiques. Aujourd’hui, des spots comme Uluwatu à Bali, ou Padang Padang à Sumatra, sont réputés mondialement, attirant des surfeurs de tous niveaux.

Le Maroc est un autre exemple de pays en économiquement plus modeste, ayant vu une forte croissance du tourisme surf. Avec des spots comme Taghazout, ce pays a su attirer une clientèle européenne à la recherche de soleil et de vagues abordables. Ce phénomène a stimulé l’économie locale, mais a également soulevé des questions liées à l’impact environnemental et à la pression touristique dans des zones autrefois préservées.

Les problématiques de surtourisme en milieu côtier

Si le surf est souvent perçu comme une activité en harmonie avec la nature, l’essor du tourisme de masse a entraîné des problèmes de cohabitation entre les surfeurs locaux et les vacanciers. Le surtourisme fait référence à l’impact négatif causé par une affluence touristique excessive, affectant à la fois l’environnement naturel et les communautés locales.

L’une des principales réactions au surtourisme de surf est le localisme, soit une pratique dissuasive où les surfeurs locaux s’approprient des vagues en réponse à l’arrivée des visiteurs. Ce phénomène est particulièrement exacerbé dans les lieux où le surf est devenu un moteur économique. Par exemple, dans les années 1970 et 1980, des incidents de localisme violent sont fréquents aux Hawaii à mesure que les locaux contestent contre la prolifération des compétitions de surf et la venue d’athlètes professionnels australiens. Le localisme est aujourd’hui présent dans de nombreux pays. On le retrouve dans des lieux très précis, comme à Maroubra proche de Sydney, ou à Boucau Tarnos en Nouvelle-Aquitaine. Ces endroits ne sont pas systématiquement interdits aux débutants, mais il peut y avoir des conflits importants durant les périodes de surfréquentation touristique.

Ces conflits d’usages sont parfois exacerbés par les écoles de surf. Bien qu’elles jouent un rôle essentiel dans l’initiation des débutants, elles posent également des défis de cohabitation. La multiplication des écoles a conduit à la saturation des spots de surf durant la haute saison touristique. La plage de la côte des Basques à Biarritz est un exemple frappant, car elle devient surpeuplée en saison estivale, ce qui engendre une cohabitation difficile entre les surfeurs chevronnés, les moniteurs de surf et les novices qui produisent des erreurs répétées. Les confrontations sont souvent marquées par un sentiment de frustration chez les surfeurs expérimentés, qui voient des vagues prises d’assaut par des groupes de débutants peu conscients des règles de sécurité.

Que peuvent les pouvoirs publics ?

Face à ces problématiques, des initiatives publiques ont été mises en place pour orienter la gestion du tourisme surf vers la durabilité. Par exemple, sur l’île de San Jose, le gouvernement du Costa Rica a instauré des zones marines protégées et régulé l’activité touristique pour préserver l’environnement côtier. Dans un contexte où l’apprentissage du surf est une activité commerciale lucrative, les collectivités locales ont progressivement mis en place des dispositifs de régulation visant à limiter le nombre des écoles de surf et rendre plus difficile l’accès à la pratique.

La plupart des communes du sud-ouest de la France utilisent des outils de gestion tels que la Délégation de service public (DSP) ou l’Autorisation d’occupation temporaire (AOT) pour attribuer aux écoles de surf le droit d’enseigner contre rémunération sur les plages. Des programmes de sensibilisation environnementale ont également été lancés pour éduquer les touristes et encourager un comportement responsable vis-à-vis des plages et de l’océan.

Des dispositifs trop rares

En dépit de ces initiatives encore rares, la plupart des régions côtières souffrent d’une inaction relative des pouvoirs publics devant la montée des problèmes environnementaux et sociaux liés au tourisme surf. Aux Fidji, par exemple, le gouvernement a dérégulé l’industrie du tourisme par décret en juillet 2010. Ce décret a libéralisé l’accès aux spots de surf et a mis fin à la pratique d’octroi d’accès exclusif via des licences, qui reposait auparavant sur les droits traditionnels indigènes sur les zones côtières et les récifs adjacents.

Depuis, des infrastructures touristiques ont été construites sans réelle considération pour leur impact écologique à long terme – tout comme au Maroc, la réglementation sur le tourisme lié au surf reste insuffisante. Par dérégulation, ou manque de régulation, ces pays permettent aux investisseurs étrangers de s’approprier les terres côtières pour développer des complexes hôteliers, souvent au détriment des populations locales qui reçoivent peu de retombées économiques.

Cependant, il existe des lieux, comme à Santa Cruz en Californie, où des initiatives citoyennes et associatives agissent pour protéger les plages et leurs environnements côtiers. L’une de ces initiatives est l’association Save Our Shores, qui encourage les résidents et les touristes à respecter les plages, avec des campagnes de communication contre la pollution plastique et des efforts réguliers de nettoyage des plages.

En somme, le développement du tourisme lié au surf a apporté des bénéfices économiques considérables à de nombreuses régions côtières, mais il a également généré des défis environnementaux et sociaux. Entre localisme, conflits d’usage et pression écologique, la gestion de ce phénomène demande une approche intégrée et durable, où les pouvoirs publics, les acteurs locaux et les touristes doivent collaborer pour préserver l’essence même de ce sport si connecté à la nature.

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