Une étude menée auprès de la section féminine du Stade Malherbe Caen met en lumière trois types de leaders : la coach, la capitaine de l’équipe et les joueuses relais. Comme dans le sport, l’entreprise a besoin d’une pluralité de leaders dotés de compétences complémentaires.

« J’ai annoncé dès le départ que je ne viendrais pas à toutes les conférences de presse. Je veux partager le leadership (notamment avec Antoine Griezmann). L’équipe de France ne m’appartient pas. Là, le coach m’a demandé de revenir et je fais ce qu’il me dit. », rappelle en 2023 Kylian Mbappé, le nouveau capitaine de l’équipe de France de football.

Au fil des années, la place du leadership est devenue une composante incontournable dans le sport de haut niveau. De manière à explorer plus en détail cette particularité, nous avons mené une étude portant sur le Stade Malherbe Caen (SM Caen), acheté à l’été 2024 par Kylian Mbappé — actionnaire majoritaire avec 80 % du capital. Plus précisément, notre attention s’est focalisée sur la section féminine qui évolue en Division 3. Sport et entreprise étant souvent liés, la mise en perspective de cette étude sur les pratiques des organisations présente un intérêt singulier.

Rôles des leaders

Dans le sport, la performance d’une équipe dépend de la capacité d’un groupe à co-construire des actions orientées vers un objectif donné. Dans cette optique, le coach a l’habitude de travailler en collaboration avec d’autres leaders. En ce sens, les travaux de Fransen et al., 2014 ont contribué à clarifier les rôles des leaders :

1. Le leader de tâches qui promulgue des conseils sur les plans tactiques et techniques.
2. Le leader motivationnel qui encourage ses coéquipiers.
3. Le leader social qui contribue à véhiculer une ambiance d’équipe positive.
4. Le leader externe qui représente l’équipe en dehors de l’environnement sportif immédiat, notamment vis-à-vis de la direction du club et des médias.

Le sport de haut niveau montre qu’un leader peut être amené à endosser les attributs des différents types de leadership détaillés ci-dessus.

La coach, la capitaine et les joueuses relais

Au sein de la section féminine du SM Caen, le leadership est partagé entre trois principales catégories d’actrices : la coach, la capitaine et les joueuses relais.

« En étant exigeante, la coach apporte beaucoup de positif. L’exigence à l’entraînement, pour commencer. C’est comme ça qu’on progresse et qu’on amène son groupe au plus haut niveau », estime une joueuse de la section féminine du SM Caen.

Les caractéristiques principales d’une coach sont plurielles. Elle doit susciter une atmosphère de travail empreints de positivité, mais aussi d’exigence. Cela implique à la fois une aptitude à gérer les émotions des membres du groupe, tout en contribuant au développement de la performance individuelle et collective.

« Pour y parvenir, on a une coach qui sait identifier les points faibles et les points forts de chacune pour réussir au mieux à nous faire progresser sur nos points faibles, et développer nos points forts », ajoute une autre joueuse.

« Je considère notre capitaine comme étant avant tout un leader, car elle sait remotiver par la parole mais surtout par l’exemple. Elle est toujours à fond et peu importe ce qui se passe dans les matchs, elle ne baisse jamais la tête ; cela donne envie de se surpasser ; cela m’aide. », déclare une joueuse du SM Caen.

Comme pour la coach, le rôle de capitaine exige une capacité d’adaptation. « Chaque fille est différente, certaines ont besoin d’être dans le dialogue, d’autres ont besoin d’être secouées », rappelle la capitaine de l’équipe senior. Ses missions ? Susciter des interactions en se montrant à l’écoute et en orientant toujours ses actions dans l’intérêt du collectif. Elle est reconnue tant pour sa capacité d’adaptation que pour son exemplarité, ce qui suppose notamment, la capacité à se surpasser et à ne jamais renoncer.

« Notre coach est constructive, diplomate, elle a aussi de l’expérience et le sens du jeu, c’est important pour faire progresser au mieux l’équipe ; elle est de la région et elle est arrivée à la création de l’équipe, donc ce sont des choses importantes pour le groupe », note une joueuse du SM Caen.

« La coach a désigné un groupe de plusieurs joueuses pour être ses relais auprès des filles, car les affinités sont importantes pour remotiver certaines joueuses », affirme la capitaine de l’équipe sénior.

Le leadership des joueuses « relais » est partagé entre certaines joueuses. Leurs missions ? S’assurer que les consignes du coach sont bien respectées et donc, influencer les membres du groupe grâce à leur aptitude à nouer des relations de proximité et de confiance. En pratique, le choix de ces relais s’appuie sur certains critères : l’expérience des joueuses, leurs performances sur le terrain, leur exemplarité, leur adhésion aux valeurs de l’équipe et leur capacité à comprendre les autres joueuses. « Ce sont vraiment des meneuses. Grâce à elles et à la coach, je peux affirmer qu’aujourd’hui, je suis une autre joueuse », atteste une joueuse du SM Caen.

Pluralité de leaders

Une performance d’équipe ne saurait se résumer à une simple addition de leaders. Elle est aussi la traduction d’une identité déployée en interne par tous ces leaders. À travers le slogan « Normands et conquérants », le Stade Malherbe Caen témoigne d’une identité orientée vers le territoire et le dépassement de soi. Comme le souligne un éducateur du club normand appartenant à la section féminine : « Le club a le souci de recruter, de former et de participer au développement de jeunes issus de la région ; cela fait partie de l’ADN du club. ».

Cette identité se fonde sur trois principales valeurs fondatrices qui sont véhiculées uniformément par les leaders de l’équipe : exigence, bienveillance et capacité d’adaptation. Comme dans le sport de haut niveau, l’entreprise a besoin de disposer d’une pluralité de leaders pour optimiser sa performance organisationnelle. Si l’idée du leader unique nous semble révolue, l’entreprise a besoin de leaders dotés de compétences complémentaires. Parmi elles : la capacité à identifier les forces et les faiblesses des membres de l’équipe, nouer une relation de confiance avec ses collègues, exercer des actions en cohérence avec les valeurs de l’organisation, ou encore savoir se remettre en question.

Leaders authentiques

Pour ce faire, l’exemple du sport de haut niveau montre que l’entreprise devrait s’appuyer sur des leaders authentiques. Il importe qu’ils partagent leurs spécificités, afin de faire perdurer les valeurs et une certaine identité à l’entreprise.

« Le leader authentique s’appuie sur sa propre expérience, ses émotions, ses désirs, ses besoins et ses préférences pour agir en accord avec son véritable soi, exprimant sa personnalité en lien avec ses convictions profondes », écrit le sociologue S. Harter.

Le leader authentique ne joue pas un rôle. Cette honnêteté lui permet de générer un climat de confiance, si important pour permettre à chacun des membres du groupe d’exploiter au mieux leurs talents individuels dans le cadre du collectif de travail. Dans une société où l’existence de valeurs fortes en entreprise est plébiscitée, le leader authentique devient incontournable en entreprise.