Les jeunes plébiscitent les projets
Les seniors seraient particulièrement concernés. Dans le sport comme ailleurs, le taux d’engagement des 65 ans et plus ne cesse de diminuer, passant de 37 % en 2013 à 26 % en 2022, selon France Bénévolat. Les conséquences ? « Des difficultés qui commencent à se poser au niveau du bénévolat de gouvernance, c’est-à-dire des fonctions de président, trésorier, secrétaire… plus volontiers occupées par ces profils », relate Claire Thoury, présidente du Mouvement associatif, structure qui regroupe les têtes de réseau des associations.
Et si les jeunes s’engagent, « ils s’inscrivent plus facilement sur des projets spécifiques ». De façon plus ponctuelle, en somme. Sur ce fond de transformation de l’engagement, le secteur du sport, qui recenserait environ 3,5 millions de bénévoles, « résisterait plutôt bien par rapport à d’autres », remarque, presque à contre-courant, Jacques Malet. Il observe une relative dynamique du secteur : près de 10 000 associations sportives sont nées entre juillet 2019 et juin 2022, soit 16 % de toutes les créations recensées, juste derrière la culture (22 %).
Pour autant, « nous sommes inquiets puisque la tendance et le contexte de crise ne prêtent pas à l’optimisme », concède Ali Rebouh, vice-président de la métropole de Nantes (24 communes, 665 300 hab.), chargé des sports. Kamel Chibli, son homologue au sein de la région Occitanie, ajoute : « Pour l’instant, ça passe. Aucun club n’a dû fermer ses portes par manque de bénévoles. Mais nous avons l’impression d’avancer sur une ligne de crête. » Le phénomène n’est pourtant pas nouveau. « Depuis des années, les collectivités, qui soutiennent et accompagnent les clubs sportifs, sont le témoin de l’essoufflement des bénévoles, enchaîne Patrick Appéré, président de l’Association nationale des élus en charge des sports, l’Andes. Et la pandémie de Covid-19 n’a fait qu’accentuer cette situation. » Résultat, à la veille de grands évènements sportifs tels que la Coupe du monde de rugby l’an prochain, puis les Jeux olympiques de Paris en 2024, l’association en appelle à la ministre des sports, Amélie Oudéa-Castéra. L’heure est venue, selon l’Andes, de « mener une réflexion sur l’engagement et la valorisation des bénévoles, avec tous les acteurs concernés ».
L’idée d’un statut juridique divise
Elle formule ainsi des propositions. La première : créer un véritable statut juridique du bénévole. Sur la table depuis des années, l’idée est toujours discutée entre ses promoteurs, qui mettent en avant une forme de sécurisation des parcours, et ses détracteurs, persuadés qu’un statut dénaturerait, voire institutionnaliserait, l’engagement. L’Andes propose aussi « d’ouvrir de façon plus importante des droits à des congés ou des crédits d’heures afin de favoriser l’activité associative pour les salariés actifs » et « d’attribuer des points de cotisation pour la retraite ».
Localement, les collectivités disposent également de plusieurs leviers d’action afin de relancer la dynamique. « A commencer par sensibiliser les clubs à l’importance d’un projet associatif digne de ce nom. Ce document, qui s’établit en associant dirigeants, bénévoles et pratiquants, est sous-exploité dans le domaine du sport », observe Jacques Malet. Kamel Chibli abonde : « Il permet à chaque bénévole d’y trouver une place concrète et définie, de quoi attirer les jeunes pour leur permettre aussi de valoriser ou transférer des compétences sur le marché du travail. » D’autant plus, ajoute Claire Thoury, « qu’ils sont demandeurs d’un engagement qui comporte du sens et constitue une source d’épanouissement ».
« Il faut avoir un discours fort sur l’utilité sociale d’une association et que cela soit retranscrit dans des conventions d’objectifs avec les collectivités. Voilà un excellent moyen de mettre en valeur ce que les gens peuvent vivre au sein des clubs. Au-delà de taper dans un volant… » appuie Yohan Penel, président de la Fédération française de badminton.
Un rapprochement avec les pros
La mission de la collectivité est également de « chouchouter » ses bénévoles, selon le terme de Sébastien Allain, adjoint au maire chargé des sports à La Roche-sur-Yon et représentant de la commission « égalité et citoyenneté » de l’Andes. Comme beaucoup, il se mue régulièrement en animateur de soirée, « pour mettre à l’honneur ce dévouement ». Kamel Chibli imagine aussi que la collectivité puisse exercer le rôle de passerelle avec les sportifs professionnels. « Tous sont passés par le monde amateur, rappelle-t-il. Les bénévoles apprécient de bénéficier de moments avec eux, d’assister aux entraînements, entre autres. Ce rapprochement peut contribuer à relancer une motivation en berne. »
La récompense de l’engagement se voit, à Saint-Pourçain-sur-Sioule (5 200 hab., Allier), à travers la subvention puisque la ville a mis au point un système qui incite à l’entraide entre associations. « Lorsqu’ils remplissent leur dossier de subvention annuelle, les dirigeants doivent spécifier et recenser le déploiement de leurs bénévoles au sein d’autres structures », indique Pierre Champagnac, du cabinet du maire. La commission chargée des subventions décide ensuite d’un tarif par demi-journée ou journée de mobilisation, puis, elle verse à l’association prêteuse un montant dédié, en plus de son enveloppe classique.
Selon Yohan Penel, l’aide des collectivités aux associations peut aussi être indirecte. Il prône « un choc de simplification » à appliquer au niveau local. Par exemple, « passer les dossiers de subvention en mode pluriannuel plutôt qu’annuel constituerait, pour les bénévoles, un gain de temps et de visibilité sur l’avenir », explique-t-il. Au-delà, le badiste compte sur la dynamique olympique. Paris 2024 prévoit en effet d’engager entre 35 000 et 40 000 bénévoles, appelés « volontaires ». Les fédérations ont d’ores et déjà été sollicitées afin de former un premier « pool ». Et, à ce stade, celle de badminton a reçu quatre fois plus de candidatures qu’elle n’a de besoins. De quoi envisager un héritage serein, en tout cas, pour ses grands évènements futurs. Loin des Foulées du tram…